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Photo © Saby Maviel

 

Propos recueillis par Caroline Auclair

 

Peu d’unité dans ce bureau au mobilier noir consensuel. Le Directeur général d’Euronews ne s’est jamais préoccupé de sa décoration et a opté pour la récup. Pourtant, le lieu fait preuve d’atypisme avec les deux ordinateurs et les deux télés, indispensables à ce drogué d’info. Joueur, il a tenu à faire l’interview en inversant les rôles et a souhaité s’asseoir dans le siège du visiteur.

 

Avez-vous aménagé personnellement votre bureau ?

Pas vraiment. Pour être franc, j’ai récupéré le bureau, -le meuble, NDLR- que j’avais lorsque j’étais directeur financier. Ce bureau, je parle de l’espace, était sensé être provisoire. Un provisoire qui dure depuis 2005. Mais ça ne m’affecte pas. Sa particularité réside dans le fait que la porte est par défaut ouverte. Regardez, elle donne directement sur le couloir. Mais ça ne me rend pas plus accessible pour autant (rires).

 

Quels objets personnels vous ont suivi ?

Aucun. Si, vous allez rire… Juste un petit objet en plastique, à coup sûr trouvé dans un œuf Kinder surprise. Je ne sais pas pourquoi je l’ai gardé. En revanche, je ne suis pas entouré d’objets personnels et encore moins de photos de famille car je préfère garder tout cela pour moi.

 

Pensiez-vous devenir un jour directeur général d’Euronews ?

J’espérais en me rasant devenir un jour directeur général ! (rires). Plus sérieusement, je me sens plus à l’aise dans une fonction généraliste. J’aime la coordination et j’avoue que ce serait dur pour moi aujourd’hui d’exercer un métier spécialisé.

 

Quel était votre but professionnel lorsque vous étiez étudiant?

Devenir riche et célèbre, pourquoi ? Plus sérieusement, Comme je n’étais pas assez doué pour intégrer une prépa après mon bac scientifique, j’ai choisi la Fac. J’ai alors compris très vite qu’il fallait sortir de la masse pour réussir. Et comme je n’étais pas une tête de classe, j’ai opté pour une filière sélective. A Lyon III, c’était la Finance. J’ai fait le même choix lorsque j’ai intégré EM Lyon.

 

Lorsque vous étiez étudiant vous étiez DJ. Avez-vous pensé en faire votre profession ?

Oui j’étais DJ, et aujourd’hui je suis DG : dommage, j’ai raté ma vocation à une lettre près… Mais je n’ai jamais sérieusement pensé en faire mon métier. C’était plus un rêve. Je le vivais comme une passion parallèle. A un tel point que je pense y avoir certainement consacré plus de temps qu’à mes études… D’ailleurs j’aime toujours mixer. Je l’ai fait il y a encore trois mois. J’aime la montée d’adrénaline que ça procure.

 

Combien de temps passez-vous à ce bureau ?

C’est très variable d’une semaine à l’autre, mais je dirais en moyenne générale environ les deux tiers de mon temps. Autrement, je suis principalement à Paris, Bruxelles ou Londres.

 

Vous n’êtes que trentenaire et à la tête d’une chaine internationale. A quoi ou à qui devez vous votre ascension ?

Je le dois aux présidents et aux actionnaires d’Euronews. C’est une évidence mais aussi une réalité. Je dis toujours que je le dois aussi à une succession d’événements. J’étais là au bon moment. Cela a été possible grâce à certaines personnes que j’ai connues chez Arthur Andersen. Je pense en particulier à Bernard Bon et à Nicolas Sabran. J’ai aussi une pensée pour Bernard Buteau, un manager qui était très dur avec ses équipes. Mais je lui dois beaucoup car c’est lui qui à l’époque m’a confié la mission Euronews, avant que la chaine ne me débauche.

 

Qui forme aujourd’hui votre garde rapprochée ?

Il faut savoir que toutes les décisions stratégiques sont prises par le directoire composé par Philippe Cayla, président de la chaine et moi-même. Au quotidien, un comité exécutif, composé de tous les Directeurs de la chaîne, se réunit toutes les semaines. J’ai la chance d’avoir une équipe renouvelée dont je me sens très proche. Je leur accorde ma confiance à 100%.

 

Piquez-vous de grosses colères ? Quels sont vos principaux défauts dans le travail ?

Sincèrement, je sais que je mets la pression à mon entourage. L’ambiance n’est certes pas explosive mais on travaille tout de même souvent dans la tension. Avec mes plus proches collègues, je ressens une réelle complicité. Je suis conscient que c’est plus facile d’être celui qui met la pression que celui qui la reçoit ! De plus, je sais que certaines personnes souffrent de mon manque de disponibilité. Alors que c’est un réel devoir.

 

Euronews a été, il y a quelques années, en danger. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Tout va pour le mieux. Et tout ça 7 ans après avoir été devant le Président du tribunal de commerce pour évoquer une procédure d’alerte pour le dépôt de bilan de la chaîne. Depuis, notre plus grande fierté c’est d’avoir réussi à recapitaliser Euronews avec nos propres résultats, sans repasser par les actionnaires. Depuis 2004, nous avons des capitaux propres excédentaires. Et aujourd’hui, non seulement on a respecté les objectifs, mais nous les avons dépassés. Vous pouvez interprétez les faits comme vous voulez, mais soit ça a bien marché, soit mon business plan était vraiment faux. (Rires)

 

Etes-vous satisfait aujourd’hui de l’audience et de l’image d’Euronews ?

Non, car on n’est jamais satisfait. D’ailleurs si on l’était, on arrêterait tout. Nous sommes sur un marché ultra concurrentiel. Et une chaine d’info a besoin de moyens énormes. Maintenant, si on regarde en arrière, on est heureux d’être la première chaine d’info internationale en Europe avec 6 millions de téléspectateurs quotidiens. Et ce alors que CNN International est à moins de 2 millions et BBC World News sous la barre du million. Le seul problème, c’est que ça ne se sait pas assez.

 

Pouvez-vous nous en dire plus le futur siège d’Euronews à la Confluence ?

C’est un projet qui me tient beaucoup à cœur. Il reste très ambitieux car il s’agit de passer de 4000 à 8000 mètres carrés. Le projet avance bien puisqu’il est en cours de finalisation. Nos actionnaires y croient. Beaucoup de feux sont au vert. En interne, tout le monde est convaincu. Ce projet nécessite également l’adhésion des collectivités et ce, non pas pour financer le déménagement de la chaine comme l’affirment certains de nos détracteurs ! En fait, il faut surtout que les institutions comprennent qu’il ne s’agit pas d’un simple transfert mais d’un projet qui doit être mené avec elles.

 

Que faites-vous lorsque vous ne travaillez pas ?

J’ai un emploi du temps très chargé. J’avoue tout d’abord passer beaucoup de temps à perfectionner mes talents de bricoleur et de jardinier hors pair… (rires). Je peux d’ailleurs vous dévoiler que je connais un grand patron des médias lyonnais qui est fou de jalousie de ma pelouse. Sinon, comme tous mes amis le savent, j’aime aussi me promener en solitaire sur les plateaux sauvages de la Haute Loire et parfois même avoir une petite faiblesse pour la cueillette des champignons… J’ai un maître en la matière, à qui il semble que cette activité ne réussit pas trop mal dans la vie! Enfin, et plus sérieusement, tous les mois, je décortique minutieusement les photos de Lyon People. Et Dieu sait si c’est une activité qui peut prendre beaucoup de temps.