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Par Aymeric Engelhard

 

L’un des plus passionnants metteurs en scène en exercice nous honore d’un second film en six mois. Il intègre une star en mal de reconnaissance dans son univers viscéral et mécanique pour ce qui s’annonçait comme un véritable retour aux sources. Un voyage à bord d’une limousine glauque et charnelle. Au final, ce n’est pas tout à fait ça mais l’esprit réflectif qui anime l’œuvre se révèle extrêmement poussé et désorientant.

 

Presque six mois jour pour jour après « A Dangerous Method », le psychanalyste du cinéma David Cronenberg revient en force avec « Cosmopolis ». Le réalisateur de Toronto adapte l’œuvre de l’écrivain culte Don DeLillo dans l’un des films les plus attendus de l’année. Il faut dire qu’avec une bande-annonce pareille (épileptique, explosive, provocante, violente, sensuelle, bizarre…), on s’est pris à penser du plus profond de notre être que le sieur Cronenberg était retombé dans ses vieux délires, ceux qui ont fait de lui l’immense cinéaste qu’il est aujourd’hui. Les délires mécanico-sexuels de « Crash », les dérives organiques gores de « Videodrome » et même les mutations telles que celles vues dans « La Mouche » ou « Le Festin Nu ». Du vrai Cronenberg, qui tâche physiquement et surtout moralement. Mais le résultat est finalement tout autre. Autant le dire tout de suite, « Cosmopolis » se rapproche plus du très bon mais très bavard « A Dangerous Method » que d’un « Vidéodrome ». Ici aussi, tout ou presque se trouve dans les dialogues. Assis dans sa luxueuse limousine, Eric Packer, jeune multi-milliardaire, s’emploie à descendre les bases capitalistes sur lesquelles il a su asseoir sa fortune. Entre deux « coucheries », un examen médical et quelques tentatives mal amorcées pour conquérir le sexe de sa femme commise d’office, il déblatère avec divers intervenants sur le monde capitaliste pendant que celui-ci s’effondre et que, conséquence, lui arrache peu à peu son argent. Sa vie aussi s’évapore, une menace mortelle semble se rapprocher de lui. Et plus les choses empirent, plus il s’engouffre dans l’inéluctabilité de sa fin.

 

En cela, la violence du parcours ne se trouve quasi intégralement que dans les paroles des protagonistes. Quelques sursauts physiques viennent frapper de la plus glaçante des manières tous les échanges et au fur et à mesure le film sombre dans le chaos, mais c’est encore sous la houlette d’un long dialogue que viendra l’aboutissement de l’œuvre. Et quel dialogue ! Mais le grand défaut du film c’est son curieux manque de rythme. Si les phases du scénario apparaissent assez claires, il manque malheureusement une rythmique qui empêche quelque peu « Cosmopolis » de nous plonger dans un certain ennui. A l’instar de la précédente réalisation du Canadien, on se doit de porter une attention très (trop ?) particulière à tout ce qui est évoqué sous peine de se voir complètement largué. Heureusement, certains éclairs traversent le film et rappellent que Cronenberg mène la danse. Ainsi, en faisant tout depuis son siège jusque dans ses relations sexuelles et examens prostatiques, Packer ne fait qu’un avec sa voiture. Rapport viscéral entre l’homme et la machine, du Cronenberg pur. De même, on ne peut que le féliciter d’avoir choisi Robert Pattinson dans le rôle principal. Pari réussi, celui qui se ridiculise depuis plusieurs années au sein de la saga « Twilight » prouve son talent intrinsèque. Comme le casting, très judicieusement choisi. De bonnes raisons de courir voir ce rejeton légèrement en dessous des capacités de son créateur mais encore et toujours sacrément intelligent.