treintes-brises
Par Aymeric Engelhard


Après « Volver », Pedro Almodovar, cinéaste majeur hispanique, retrouve son actrice fétiche pour une histoire d’amour mêlant tragédie et sombre tromperie. Là, plus que jamais, le réalisateur nous montre toute la maturité de son œuvre et les virages qu’il a entrepris pour en arriver à ce film peut-être le plus abouti de sa carrière.

 

Pedro Almodovar aime le cinéma. On ne s’étendra pas sur la vingtaine de films qu’il a déjà au compteur. Son dernier opus constitue sa plus grande déclaration d’amour au 7ème art. Il aime les actrices aussi. Carmen Maura, Victoria Abril ou encore Pénélope Cruz. Il dit entretenir des relations uniques avec elles, très intimes mais jamais sexuelles. C’est peut-être pour cela qu’elles atteignent un niveau d’interprétation inespéré devant la caméra du maître. Pourtant « Etreintes Brisées » ne les met pas forcément en valeur. Almodovar préfère montrer les côtés sombres de la féminité tout en contrastant avec leur grande beauté. Elles sont mises en lumière, colorées physiquement mais leur psychologie est bien plus noire. Dans « Etreintes Brisées », Pénélope Cruz est une femme à la volonté forte tiraillée entre deux hommes. L’un riche et vieux, fou amoureux d’elle, qui n’hésite pas à aller très loin pour arriver à ses fins. L’autre est plus jeune, plus beau. Il est réalisateur, elle est son actrice, ils tombent amoureux. Facile. La tragédie entre alors en scène, transformant le film, le rendant passionnant. Almodovar impose sa réalisation la plus mature pour suivre le cours des choses. En référence aux grands films romantiques d’antan, il pose sa caméra dans cette histoire de tromperie, d’amour difficile et signe son œuvre en filmant de la plus habile des manières sa Pénélope. Belle comme jamais, un regard sensuel puis malicieux, puis noir… l’actrice étoffe son jeu, on croirait reconnaitre l’Audrey Hepburn de « Sabrina ». Merveilleusement cadrée, les somptueux contours de son corps s’offrent au spectateur qui ne peut que s’émerveiller devant tant de grâce. Après « Volver », Almodovar offre à sa muse un nouveau rôle qui restera dans les mémoires. Mais attention, elle n’est pas l’héroïne du long-métrage. Ce rôle là est dévoué au réalisateur amoureux. Aveugle et plus vieux, il raconte sa relation avec la jeune femme à un jeune garçon. Il revient sur les évènements et sur cet amour qui lui brûla les yeux. Lluis Homar signe une prestation enivrante et émouvante en homme qui perdit la vue. Almodovar montre par là même qu’il sait aussi filmer les hommes. L’histoire se déroule, chacun a son rôle à jouer dans la tragédie. On accroche le thriller, Almodovar devenant Hitchcock, pour donner un suspense plus qu’intéressant… Le réalisateur atteint la maturité de son œuvre. Coloré mais noir, érotique mais sensuel, « Etreintes Brisées » est un sommet dans une filmographie en dents de scie.