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Par Aymeric Engelhard

 

Pour ceux qui pensaient que Peter Jackson n’avait pas la moindre sensibilité, ce nouveau film pourrait les faire changer d’avis. Après un enchaînement de films plein de gros sous, le néo-zélandais revient avec une œuvre plus posée et bourrée de qualités artistiques. Oui, Jackson est un vrai réalisateur.

L’adaptation du roman d’Alice Sebold demandait une grande sensibilité et un talent remarquable pour mettre en scène une histoire improbable. En ce qui concerne ce deuxième point, Peter Jackson était tout indiqué. Avec la colossale trilogie du « Seigneur des Anneaux » et le remake de « King Kong » à son actif, le Néo-zélandais avait plutôt les moyens de nous faire rêver. Mais était-il alors capable transposer à l’écran l’histoire d’une jeune fille décédée qui voit sa famille depuis le monde des morts ? Pas sûr, et pourtant le gaillard s’en est sorti comme un chef. « Lovely Bones » narre donc le meurtre de la jeune Suzie, arrachée à sa famille à seulement treize ans par un pédophile. Alors que la morte s’apprête à entrer au paradis, elle assiste au deuil de sa famille mais aussi aux tribulations de son assassin. Son père et sa sœur ont des envies de vengeance, sa mère n’arrive pas à oublier et sa grand-mère prend les rennes de la famille à coup de whisky. Suzie ne sera pas en paix tant que son psychopathe de meurtrier ne sera pas considéré coupable ou ne connaîtra pas le même sort qu’elle.

Pour raconter son histoire, Jackson prend le parti de la finesse. Il parvient à alterner entre tension et émotion avec classe. Jamais il ne sombre dans la violence gratuite. En témoigne la scène du meurtre. Terrifiante de bout en bout, on n’en verra pourtant pas la finalité. Tant mieux, la puissance psychologique n’en est que plus forte. Stanley Tucci, monumental de folie, interprète un grand méchant de cinéma mais plus fort encore, un vrai méchant de vie réelle. Chacune de ses apparitions s’accompagne d’un frisson auquel s’ajoutent des flashbacks sanglants qui façonnent le meurtre dans notre imagination. Mais « Lovely Bones » c’est aussi une grande part de fantastique. En effet le monde dans lequel tombe Suzie (qui s’avère être un palier séparant le monde des vivants du paradis) est empli de couleurs et d’évènements inhabituels. Ici, Jackson en profite, laissant libre cours à une imagination ayant déjà bien servi sur ses précédents long-métrages. Suzie observe sa famille, les essais non glorieux de son père pour la venger et surtout l’action improbable de sa sœur qui réussit à entrer dans la maison du pédophile… Chaque personnage se révèle et chacun des acteurs monte en puissance. Ainsi Mark Wahlberg signe sa meilleure performance depuis « Boogie Nights » et surtout « Les Infiltrés », Susan Sarandon s’éclate en grand-mère légèrement artificielle, et la jeune Saiorse Ronan s’ouvre les portes de Hollywood avec délicatesse.

L’après blockbuster pour Peter Jackson ressemble fort à un coup de maître de plus. Pour autant le film subit quelques fautes de rythme (notamment dans les scènes d’émotion) et la musique rappelle parfois un peu trop les mélos ridicules qui continuent de hanter le paysage cinématographique. Aussi la fin s’étend sensiblement trop. Mais la richesse du long-métrage montre bien que Jackson, qui n’a jamais réalisé le film parfait, fait bel et bien partie des cinéastes les plus passionnants de ces dernières années.