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Par Aymeric Engelhard

                  
Ce docu-fiction a pour but de montrer la guerre en Afghanistan dans sa réalité la plus pure. Bien qu’une certaine mise en scène soit perceptible, rien n’empêche l’œuvre d’atteindre son objectif. C’est un choc, un coup dans les rotules désarçonnant. C’est la guerre, la vraie.


Le schéma est simple. De jeunes soldats embarquent pour la première fois dans un conflit étranger, se séparent de leur famille, découvrent l’ennui et l’impatience d’en découdre avec les talibans puis l’horreur du combat. Ils seront changés à jamais. On a déjà vu ça dans « Platoon » ou encore « L’Ennemi Intime », c’est l’histoire basique du film de guerre, jouant à fond la carte de l’évolution psychologique. Sauf que ce sont des fictions. Janus Metz a, quant à lui, réalisé un documentaire. Avec son directeur de la photo, il a suivi une section danoise en poste à Armadillo, camp situé dans la province d’Helmand en Afghanistan tout près des lignes talibanes. Il s’infiltre parmi ces hommes, armé d’un dispositif filmique des plus simplistes, et parvient à capter chacune des émotions avant, pendant et après les sorties en territoire ennemi. Troublant.


Ce qu’il y a d’incroyable c’est l’impartialité dont le metteur en scène a fait preuve. Ainsi il n’hésite pas à montrer les travers de soldats imprévisibles, les sourires lorsqu’ils parlent d’exploits macabres ou encore les éventuels scandales cachés. Mais il les montre aussi fiers et plus humains que jamais. Le contact avec eux s’avère quasiment palpable tant on se sent proche. Metz ne fait que suivre et partager le quotidien de ces hommes, rien n’est caché (étonnant laxisme de la part de l’armée danoise, ce film n’aurait jamais vu le jour en France ou aux Etats-Unis). Au final, et c’est là une force immense, « Armadillo » gagne son statut de film nécessaire en posant un regard plus qu’utile (bon ou mauvais) sur une institution en perte de popularité : l’armée, et sur un conflit où peu d‘informations filtrent auprès du grand public. On découvre ces soldats dans leur rapport avec les populations afghanes, les dialogues permettent de comprendre l’étendue des problèmes qu’engendre le conflit, les dilemmes qui se posent auprès des citoyens désemparés en tant que victime numéro un. Chaque parole a son importance, la mort étant tellement proche…


Car « Armadillo » ne cache en rien non plus les combats armés. La patrouille marche à travers un champ quand soudain éclatent de nombreuses détonations. La caméra plonge à même le sol tandis que son cadreur risque autant sa vie que les hommes qu’il filme. Les chargeurs se vident, les balles fusent et les blessures s’intensifient. Metz ira jusqu’à montrer au plus près des cadavres déchirés de talibans. Mais le plus choquant reste les regards à jamais marqués des soldats, ceux que l’on pourrait appeler les bourreaux de la paix. Pénétrer dans leurs yeux nous fait comprendre l’horreur de ce qu’ils voient. Il faut dire que le réalisateur a pris le soin de rendre son œuvre émouvante (et éprouvante) grâce à une musique très inspirée et un montage ultra efficace. Aussi il faut bien se rendre à l’évidence : les images sont d’une splendeur incroyable. Le film possède un nombre délirant de plans somptueux teintés de poussière ou encore d’une lumière crépusculaire. Finalement le seul léger point noir de cette œuvre reste l’aspect un peu trop « mise en scène » de certaines scènes dans le camp. Mais dès lors que l’on a compris toute la véracité des dialogues, que l’on a subit la dure réalité des évènements, « Armadillo » se révèle en ce qu’il est : le film le plus puissant sur la guerre moderne. Un choc.