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Par Aymeric Engelhard

 

Librement adaptée d’une histoire vraie, cette comédie aux légers accents dramatiques met en scène une plongée dans les cuisines de l’Elysée aux côtés d’une femme faisant vibrer les papilles du Président. Plaisant et bien interprété mais pas vraiment cinématographique, voici un conte classique sans réel intérêt sinon celui de mettre l’eau à la bouche.

 

Fraichement montée du Périgord, Hortense Laborie a reçu une mission importante : celle d’assurer la cuisine au 55, rue du Faubourg-Saint-Honoré. Le Président veut retrouver le goût des choses, des plats lui rappelant celui qu’une mère confectionne à ses enfants. Car voyez-vous, au sein de l’organisation éléphantesque que représente la vie au Palais de l’Elysée, même le chef cuisto gère sa cuisine comme une grasse cantine de luxe. Hortense va apporter la vie gustative qui manque cruellement.

 

En prenant appui sur l’histoire de Danièle Delpeuch qui assura cette mission lors de la présidence Mitterrand, le scénariste Etienne Comar (auteur du merveilleux script « des Hommes et des Dieux ») brosse le portrait sympathique d’une femme qui perturba les protocoles à grands coups de plats régionaux et d’une bonne dose de sang-froid. Mais on ne peut pas venir à bout d’une aussi grosse machine et la gastronomie n’étant pas une priorité, Hortense va subir la loi d’un univers dans lequel elle n’a pas sa place.

 

Pour son huitième long-métrage, Christian Vincent nous offre un divertissement plutôt sympathique qui ne brille en rien par sa mise en scène. Le réalisateur se contente d’enchaîner les scénettes avec une ligne de mire assez prévisible. Reste que chaque plan centré sur un plat donne sévèrement faim. Comme si un soin tout particulier avait été apporté à ces nombreux pack-shots gustatifs (et le son va aussi dans ce sens : le savoureux craquement d’un pain de viande délicatement fendu fait retentir les gargouillements dans la salle).

 

Mais enfin, un film n’est pas un catalogue. Cela donne au moins son sens à toute la notion d’art qui accompagne la cuisine décrite dans l’œuvre. L’art du cinéma sert celui de la cuisine. Le metteur en scène se garde bien de parler de politique, grand bien lui fasse. Son Président est d’ailleurs assez difficile à cerner, les vrais « bons » et « mauvais » se trouvant plutôt dans ceux qui régissent la vie au Palais. On tient là un long-métrage extérieur tout en étant au centre d’un lieu chargé d’importance politique. Aussi on passera aisément sur l’autre partie de l’œuvre située en Islande, émouvante mais terriblement anecdotique.

 

La véritable qualité des « Saveurs du Palais » tient dans son casting. L’actrice préférée des plus de 50 ans (qui se chargent bien de commenter tout haut ses faits et gestes à l’écran et pouffer au moindre haussement de sourcil…), Catherine Frot, fait son show habituel. Elle porte le film sur ses épaules avec son évident talent tout en étant accompagnée par une troupe au naturel extraordinaire dans un univers qui en est si dénué.

 

Même Jean d’Ormesson trouve dans le Président un premier rôle intéressant qu’il dépeint très bien. Sarkoziste, l’écrivain interprète (vraisemblablement) Mitterrand. Comme quoi, même en étant sans point de vue à l’intérieur même de l’Elysée, le cinéma peut se faire le chantre de l’ouverture d’esprit.