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Par Aymeric Engelhard

Trois ans après un original qui fonctionna plutôt bien dans le monde, Hollywood reprend la franchise littéraire puis cinématographique « Millenium » à son compte. Evidemment l’idée est mauvaise. Mais c’est un illustre metteur en scène qui se voit confié ce cadeau empoisonné. Mieux vaut alors ne pas tenter la comparaison et voir ce que ce « Millenium » américain a dans le ventre.

Celui qui a connu des démêlés infernaux avec les producteurs sur « Alien 3 » semble avoir depuis retourné sa veste. En effet David Fincher n’hésite pas à rappeler à quel point le tournage du troisième épisode de la saga « Alien » fut chaotique, le réalisateur étant constamment mis de côté. Même sur « Fight Club », son film se voyait régulièrement coupé à cause de projections test insatisfaisantes. Aujourd’hui, ses films sont des classiques et la renommée de Fincher n’est plus à faire. Et pourtant l’homme accepte deux fois de suite des commandes de studio. Il y a d’abord « The Social Network » puis maintenant « Millenium ». Il pourrait en être de même pour son prochain (une éventuelle relecture de « 20 000 Lieux sous les mers » pour la Fox et Disney). Finis les projets personnels de grande classe comme « Seven ». Du coup on se raccroche à sa mise en scène qui est, il faut le dire, phénoménale. Il fait de « Millenium » un polar glacial où la noirceur des événements contraste avec la blancheur des décors. En effet, le journaliste Mikael Blomkvist est recruté par un riche industriel dans un coin reculé de la Suède afin d’enquêter sur la disparition de sa nièce. Il s’agirait vraisemblablement d’un crime familial. Blomkvist se verra rejoindre dans sa tâche par Lisbeth Salander, une jeune ingénue rebelle à la vie chaotique. Les découvertes macabres s’enchaîneront dès lors. On a droit à une enquête tout ce qu’il y a de plus simple.

Le scénario n’allant pas chercher très loin, on ne fait que suivre des personnages dans leurs découvertes. Le spectateur se retrouve relativement mis à l’écart, c’en est frustrant. L’enquête devient même rasoir parfois. De même la relation Mikael-Lisbeth, cœur de l’histoire, manque singulièrement de profondeur, on y croit moyennement (l’excellente interprétation des acteurs aide beaucoup). D’ailleurs il se déroule bien trop de temps avant qu’enfin ils se rencontrent, rendant l’histoire de Lisbeth (plus passionnante, très dérangeante) totalement extérieure à l’intrigue principale. Du coup, comme dit précédemment, quand le scénario manque à l’appel on se raccroche à la mise en scène. En grand esthète, Fincher est capable de tout transcender par l’image. Chaque plan vaut de l’or, la photographie est d’une beauté fulgurante et les mouvements de caméra à tomber. De même, dès qu’il s’agit de filmer des scènes macabres, c’est l’homme de la situation (on se souviendra du viol…). Rien que le générique de début constitue un monstre visuel sublimé par la musique du duo Trent Reznor-Atticus Ross. Mais ça ne fait pas tout et ce « Millenium » américain reste ce qu’il est : un bon film, énorme sur la forme, moyen sur le fond (n’est pas Eastwood qui veut). On en attend quand même bien plus du grand réalisateur de « Seven » ou « L’Etrange Histoire de Benjamin Button ».