watchmen
Par Aymeric Engelhard

 

Beaucoup de réalisateurs s’y sont cassé les dents. Jugé inadaptable, projet trop ambitieux… « Watchmen » a suscité beaucoup de craintes au cinéma. Considéré comme une pièce maîtresse du comic-book au pays de l’oncle Sam, ce roman graphique a enfin trouvé sa voie sur grand écran. Mais entre puissance visuelle extraordinaire et délire politique, une petite déception demeure.

 

Les adaptations de comic-book au cinéma sont de plus en plus nombreuses, un filon plus qu’intéressant pour les studios. Avec ces films, ils réalisent une grande partie de leur chiffre d’affaire annuel. 2008, « The Dark Knight », sixième aventure de Batman, écrase toute concurrence sur le sol américain et accroche la deuxième place au tableau des plus grands succès de tous les temps (derrière l’insubmersible « Titanic »). L’extrême qualité du film permet de toucher un public plus large et il devient un tournant dans l’histoire du genre. Aujourd’hui les long-métrages faisant l’apanage de ces justiciers ont pris un nouveau statut: plus sombres, plus violents, plus travaillés psychologiquement… 2009 sera l’année de « Watchmen ». Jamais adaptation de comic-book n’avait suscitée autant d’interrogations. Ultra célèbre aux Etats-Unis, ce phénomène reste moins connu en France. C’est une uchronie, une histoire qui modifie la réalité. Les évènements se déroulent en 1985 et la guerre froide est à son paroxysme. Nixon en est à son cinquième mandat, la menace de guerre nucléaire bat son plein entre soviétiques et américains. Les Etats-Unis ont remporté la guerre du Viêt-Nam… Tout cela en partie à cause des Watchmen justement. Le scénario joue habilement sur ces parties de l’Histoire, il en ressort une histoire très intéressante sur les conséquences de héros qui finalement n’en sont pas. Des lois sont votées contre eux, personne ne veut les voir, la violence bat son plein… Si bien qu’ils se rangent pour ressortir plus tard de l’anonymat lorsque l’un d’eux est sombrement assassiné.

 

Autour de la trame principale, le film raconte les histoires de chacun des personnages. On restera ébloui par celle du Dr. Manhattan, homme nucléaire dont les Américains se servent pour faire peur aux soviétiques. Le réalisateur joue habilement sur chaque histoire, dommage que les acteurs soient parfois difficilement convaincants. Quelques personnages manquent de charisme et ce n’est pas les costumes ridicules qui feront dire le contraire. Mais encore une fois le Dr. Manhattan se démarque, tout comme Rorschach, personnage psychotique caché sous un masque mouvant. Ce dernier fait preuve d’une noirceur impressionnante, ses répliques sont toujours bien placées et son apparence donne froid dans le dos. Il est un peu le protagoniste d’un monde noir pourri par la violence. Si bien que « Watchmen » est d’une dureté qu’on ne connaissait pas au genre. L’hémoglobine coule à flot, les membres craquent régulièrement, le chaos dans les rues est proche. A cela il faut citer toute la séquence dans la prison ou l’humour noir et la violence naturelle de Rorschach explosent. « Watchmen » est un film de justicier pour adulte tant au niveau scénario qu’au niveau des images. Et malheureusement il est aussi difficilement compréhensible. Le long-métrage s’enlise parfois dans des explications trop complexes et gâche un peu le plaisir. L’extrême qualité visuelle rattrape cela. Effets spéciaux endiablés, ralentis, accélérations, lumière, photographie… L’image est quasi totalement retouchée à certains moments pour un rendu éblouissant. La mise en scène de Zack Snyder atteint le paroxysme du fantasme visuel, virevoltante, attaquant chaque partie de la scène. « Watchmen » surpasse « 300 » du même réalisateur. Quant à la musique, signée l’éclectique Tyler Bates, elle est enivrante et les morceaux d’artistes comme Bob Dylan et Jimi Hendrix accompagnent parfaitement les actions. En bref, « Watchmen » est un nouveau tournant dans l’histoire du film de super-héros. Extrêmement différent des autres, visuellement époustouflant et musicalement épatant, on aurait pu atteindre la réussite totale. Cette réussite, on l’a au niveau cinématographique et les reproches qu’on lui fera sont plutôt à l’encontre du comic-book dont il est issu.