la-tte-en-friche
Par Aymeric Engelhard

 

Derrière ce petit film sympathique et sans prétention se cache une belle histoire où l’amour et l’amitié se voient collés sur la table d’opération. Pourtant l’émotion vient à manquer, et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Avec de tels interprètes, l’entreprise aurait pu être un chouïa plus excitante.

On ne peut pas dire que Jean Becker, réalisateur entre autre de « Deux Jours à Tuer » avec Albert Dupontel, se soit attaqué à une histoire qui attirera le public adolescent. En effet, ici, Germain, 45 ans et quasi analphabète, s’éprend d’une femme qui a la lecture pour passion. Petite particularité : elle est en maison de retraite. Elle fera découvrir la puissance des mots d’un roman à l’homme qui a toujours été dénigré à cause de son léger handicap. Celui-ci même qui veille encore sur sa mère, pauvre délurée qui le fit tant souffrir, et qui connaît l’amour dans les bras d’Annette. Germain est un mec sympathique, un peu largué mais profondément touchant. Le film tourne autour de sa personne, à vrai dire l’immense Gérard Depardieu est quasiment de tous les plans. Il vit au jour le jour, répétant le même emploi du temps. Il voit Annette, celle-là même qui désire un peu plus de proximité entre eux, boit des canons avec ses amis dans le bar habituel, subit la pression constante d’une mère cruelle virant barge. Lorsqu’il rencontre Margueritte (« avec deux T »), ce qui ne tarde pas dans le déroulement du film, c’est comme un renouveau sur sa personne. Ils parlent de tout et de rien puis établissent une vraie relation dans la lecture. Elle est ouverte, il est rigolo malgré lui. C’est un couple impossible réuni dans une gaieté qui fait plaisir à voir.

L’histoire évolue de façon simple mais efficace. On ressent les tourments de Germain chez qui la guerre d’Algérie a laissé des traces. Des flashbacks interviennent de façon récurrente pour montrer l’horreur que lui a fait subir sa mère (personnage qui aura droit à un joli retournement de situation) ou son professeur (interprété par Régis Laspalès). Le microcosme que représente son entourage se révèle réaliste et touchant, chacun y va de sa petite histoire d’amour. Becker parvient à tout garder sans jamais perdre sa ligne directrice. S’il s’égare c’est bien dans les flashbacks dont le ton s’avère extrêmement différent du reste. Certains dialogues auraient mérité un traitement plus approfondi. A vrai dire, la mise en scène de Becker est des plus sages. Au final le seul personnage pour lequel on regrettera un traitement trop succinct reste celui d’Annette, toute mignonne et amoureuse, qui peine à dépasser son statut de second-rôle (l’interprétation de Sophie Guillemin se révèle parfaite). En fait, on pourrait presque dire que ce film tient aussi et surtout sur les épaules de son casting. Quelques semaines après l’excellentissime « Mammuth », Gérard Depardieu confirme son statut de géant et envoie valdinguer tous ses détracteurs. Mais la révélation est cette petite mamie jouée avec magie par Gisèle Casadesus. Toute la fraicheur qu’elle dévoile est proprement dévastatrice. Avec Depardieu, l’alchimie fonctionne. Ces deux-là nous offrent de beaux moments et empêchent le film de sombrer dans l’ennui. La fin s’avère peut-être un peu brute, on sent que « La Tête en Friche » ne fera pas date et que Becker n’a pas réalisé le sommet de sa filmographie, mais qu’importe.