larme-du-crime
Par Aymeric Engelhard

Dans le cadre de la seconde Guerre Mondiale, Guédiguian choisit de revenir sur le réseau Manouchian qui menait des actions armées contre l’envahisseur nazi. En résulte un film profondément ancré dans l’Histoire, parfois maladroit mais joliment mis en scène qui vaut surtout par son objectif principal : se souvenir de ceux qui se sont battus.

 

Dès les premières images le ton est donné. Un camion chargé de prisonniers roule le long de la Seine. Pas de musique, juste la voix d’un policier français qui annonce les noms de chacun des prisonniers suivis de la formule « Mort pour la France ». Ils sont arméniens, roumains, polonais, juifs… La Gestapo multiplie les arrestations. Ces hommes et ces femmes se révoltent, s’ils sont pris c’est un aller simple pour les camps ou une exécution sommaire. Ils font partie du réseau Manouchian, un groupe communiste qui mène des actions pour bouter les nazis hors de France. Leur leader se nomme Missak Manouchian. C’est donc cette histoire que Robert Guédiguian a choisi de raconter dans son dernier film. Après le séduisant polar « Lady Jane », il s’attaque cette fois-ci à la seconde Guerre Mondiale. Mais pas exactement de la même façon que Tarantino et son « Inglourious Basterds » aussi dans les salles. Alors que l’Américain fusille les genres tout en modifiant l’Histoire, le metteur en scène français prend le parti du réalisme et de l’héroïsme. Il suit donc le leader des opérations, Missak, avec sa femme ainsi que certains membres du réseau dont un amateur de la gâchette et une gueule d’ange sans peur. Pour le film, il n’hésite pas à changer légèrement certaines choses, certains personnages mais le principal reste fidèle. En témoigne la scène de la rafle du Vel d’hiv. Elle est suggérée plus que frontale. Les bus s’enchaînent, chacun remplis de juifs. Seul le son produit par les roues se fait entendre. Le résultat n’en est que plus fort. Pourtant le long-métrage peine à décoller. Les acteurs sont convaincants, ils n’en font jamais trop. Le meilleur restera Simon Abkarian. Tout en retenue, il exprime la difficulté de vie de l’époque. Son visage porte les meurtrissures et la tristesse. Trop rare à l’écran, ce rôle devrait lui permettre d’accéder à de plus grandes ambitions. Virginie Ledoyen, quant à elle, garde toute la dureté de son visage. Son air strict trouve heureusement du charme dans des scènes plus intimes. Enfin on n’oubliera pas Jean-Pierre Darroussin, excellent en policier pourri. Ils contribuent à la qualité du film dans son ensemble. Ils rattrapent les quelques maladresses de scénario. Guédiguian n’hésitant pas à crier haut et fort son adoration pour le communisme, heureusement que les qualités cinématographiques sont adaptées à tout le monde. Attention, les prises de position politiques ne plaisent pas forcément. Remarque, « L’Armée du Crime » est l’œuvre d’un réalisateur qui s’est déjà illustré en faisant un film sur François Mitterrand, d’où le fait que l’on ne soit pas étonné. En recherche de neutralité, on garde en mémoire l’extrême précision de la reconstitution des années 40, la qualité des images ainsi que la musique du très demandé compositeur Alexandre Desplat. Tout ceci couplé à l’interprétation faisant de « L’Armée du Crime » une réussite. Un bon film-mémoire en soit.