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Par Aymeric Engelhard

 

Neuf années sans apercevoir la moindre parcelle d’herbe verdoyante ou de roche calcinée de la Terre du Milieu, c’est l’équivalent d’une vie. Du coup quand « The Hobbit » prend d’assaut les salles obscures, l’attente qui l’accompagne atteint des proportions extrêmement démesurées.

 

En résulte une certaine déception, évidente, inévitable. Mais elle n’est définitivement rien à côté de la nostalgie, le plaisir et les frissons qui nous emportent devant le spectacle le plus grisant de l’année. On se demande encore ce qui a pu motiver New Line Cinema à accepter en 1998 le projet pharaonique d’un visionnaire nommé Peter Jackson.

 

Adapter « Le Seigneur des Anneaux » en trois parties avec un budget total avoisinant les 300 millions de dollars ainsi qu’un réalisateur jusque-là rodé aux drames fantastiques et autres films d’horreurs hardcores, c’était très osé (impossible aujourd’hui). Résultat : quasiment 3 milliards de dollars de recettes mondiales, 17 Oscars, une armada de fans absolus et 3 dates définitives dans l’histoire du cinéma. Cerise sur la peloche : c’est une œuvre de qualité !

 

Neuf ans plus tard, Peter Jackson n’a pas pu se dépêtrer de cette trilogie qui a fait sa renommée et après que Guillermo del Toro ait fait l’impasse pour cause de lourds problèmes de pré-production, le roi retrouve son royaume. De l’eau a coulé sous les ponts, Jackson a changé, mais son amour pour l’œuvre de Tolkien transpire à chaque plan.

 

Ce premier épisode d’une nouvelle trilogie se déroule soixante ans avant les évènements décrits dans « La Communauté de l’Anneau ». Bilbon Sacquet, tranquille hobbit, se voit réquisitionné par Gandalf et treize nains pour aller sauver le royaume de ces derniers tombé aux prises d’un terrible dragon.

 

Ce postulat très simple pose les bases d’un long voyage qui sera parsemé de nombreuses embuches dans lesquelles tomberont allégrement les compagnons : un repas de trolls, une chasse d’orques, un combat de géants de pierre, une poursuite avec des gobelins et bien sûr la fameuse rencontre avec Gollum au cours de laquelle Bilbon fera l’acquisition de l’anneau unique.

 

Soit beaucoup d’action dans une œuvre très ancrée dans l’héroïc fantasy et l’aventure complètement débridée (à la manière des « Aventures de Tintin » dont Jackson est le producteur). Le revers de la médaille constitue le trop-plein de fantaisies futiles que le réalisateur semble apprécier (mettant à mal certains personnages, comme le légendaire sorcier Radagast, quelque peu ridiculisé).

 

Jackson se croit tout permis et ne lésine pas sur les effets spéciaux numériques, au prix de nombreux tics visuels. Et tout cela dans un rythme littéralement effréné qui ne prête en rien à la contemplation. Boudera-t-on notre plaisir pour autant ? Non catégorique. Peter Jackson est un génie depuis son tout premier essai. Sans se reposer sur une nostalgie qui apparaît d’elle-même, le metteur en scène brosse de la plus sublime des manières tous les passages qui feront du « Hobbit » un film instantané culte.

 

De l’attaque de Smaug le dragon qui embrase le début de l’œuvre à l’époustouflante fuite de l’antre des gobelins, en passant par la rencontre avec Gollum, fabuleuse, à la fois comique et terrifiante, ainsi que l’histoire annexe du Nécromancien, « Le Hobbit » est transporté par des moments de grâce ultimes qui font de ce retour en Terre du Milieu un plaisir total que les gros défauts ne sauront jamais altérer (en espérant tout de même que les suites gommeront les fantaisies).

 

De l’aventure comme on n’en voit plus, qui procure des sensations exceptionnelles au contact de personnages attachants… Le roi est bel et bien de retour.