the-chaser
Par Aymeric Engelhard

 

Les films sud-coréens sont tellement rares que lorsque l’un d’eux pointe le bout de son nez il faut s’y jeter. « The Chaser » s’inscrit dans la plus prestigieuse lignée des long-métrages venus de ce pays difficile. Haletant, violent et efficace, il aurait pu apparaître comme un thriller sacrément réussi si on ne tombait pas parfois dans le ridicule. Chronique d’un film tout aussi puissant qu’une production hollywoodienne.

 

D’abord il faut l’avouer : les films sud-coréens diffusés à l’international sont rares. Chaque sortie est un évènement. Auparavant la dictature empêchait le cinéma de se développer mais depuis la fin de celle-ci, de nombreux talents ont émergés. Ainsi les films « Memories of Murder », « Old Boy », « Frères de Sang » ou encore « The Host » ont reçu un succès critique et public plutôt appréciable lors de leur débarquement en terre européenne. « The Chaser » fait clairement parti de cette bande. Ils arrivent à batailler face à l’industrie hollywoodienne, pas avec l’argent mais avec la qualité qui se propage de métrage en métrage. Et le dernier venu n’est surement pas le plus calme. « The Chaser » ressemble à la plongée dans un encrier, c’est d’une noirceur impressionnante. Le scénario envoie son lot de sujets déstabilisants : prostitution, meurtres, flics pourris… Il fait tout le temps nuit, il pleut… Les hommes fument tous (bonjour le stéréotype du rebelle), la police est tournée en ridicule… Cela crée un personnage central habité par sa volonté et un serial-killer terriblement cruel. Certes ça ressemble beaucoup à un film policier américain à la « Seven » (la référence du genre) mais bien souvent le long-métrage se distingue. Le début est peu passionnant, le tout prend sa puissance avec le temps. C’est comme un diesel, un peu long au démarrage mais ensuite la course est lancée. Ainsi après une scène d’une violence inouïe où une prostituée en prend pour son grade, s’enchaîne une jolie course-poursuite. Contre-pied par la suite avec l’injustice d’une police coréenne tournée au ridicule (d’où un humour parfois mal placé et débile). Mais face à cela la tension monte, peut-être insuffisamment.

 

On tourne en rond, attendant de voir l’évolution de la situation du tueur qui joue la carte de la folie. Et puis il y a cet enchaînement de séquences finales hallucinantes. La violence atteint un niveau rare, le réalisateur nous offre un jeu de massacre qui s’achèvera par un affrontement chaotique entre les deux protagonistes. Le sang vole, les coups fracassants s’abattent, les blessures s’étirent… « The Chaser » fait très mal dans ces derniers remparts. Si l’ensemble du film était de cette qualité, on aurait assisté à un chef d’œuvre. Dommage alors car tout pouvait s’y prêter. La mise en scène de Na Hong-Jin dont c’est le premier film (une performance) est envoutante, elle écrase Hollywood dans ces scènes de bravoure de haute volée écartant toute naïveté. Malheureusement un long-métrage ne se critique pas seulement dans quelques scènes mais bien dans son intégralité. Des défauts (la police… et l’air étonné du protagoniste) mais aussi la création d’un être maléfique, un tueur incroyable de cruauté qui tue pour assouvir ses désirs, ses fantasmes. Une entité chaotique jusqu’au bout, baignant dans le sang de ses victimes. Ha Jeong-woo semble parfois habité, passant de l’air bêta, à celui de fou, puis à celui de tueur intouchable psychologiquement. Kim Yoon-seok, ne dira pas le contraire, et face à lui il reste excellent, son air étonné et son humour agacent parfois mais l’acteur est impeccable quand la noirceur fait son come-back. Dans l’ensemble, l’interprétation est parfaite. En fait on regrette encore que « The Chaser » ne se valle pas dans son intégralité. Et il faut avouer que c’est dans les scènes de cruauté extrême qu’on trouvera notre bonheur. Incontestablement ce film made in Corée du Sud a bien toutes les qualités nécessaires pour faire son trou face aux machines à fric américaines ou encore aux comédies françaises dont on finira par se lasser. Le cinéma coréen a de jolies atouts, espérons que ses jours ne seront jamais mis en péril par ceux d’en face et leur cinéma de propagande.